Jésus fut poussé au désert par l’Esprit Saint, pour y être tenté par le diable. Pendant 40 jours, il ne mangea pas (d’après l’évangile selon St. Luc ,4 1-3)
Réellement harcelé dans sa chair et son cœur, le Créateur et Sauveur vainc l’Ennemi de toujours, Il refuse prodiges et miracles… Son royaume n’est pas de ce monde.
Pendant près de sept siècles, en suivant l’exemple du Maître, les moines – anachorètes ou cénobites – partirent de leur plein gré au désert oû ils vécurent par milliers une ascèse qui nous pose question, le jeûne ou la prière qui nous dépassent complètement.
Nos moines, le grand Antoine le premier en Égypte, avaient pour dessein de fuir le commerce et le bruit des villes, de garder pures leurs mains de tout vol, et leur regard du visage des femmes. Repliés dans leurs cellules, ils vivaient de rien : tissage de palmes pour vendre nattes ou paniers, quelques légumes et fruits. Ils se nourrissaient surtout de la PAROLE conductrice, donnée par ABBA, l’Abbé, écoutée dans le silence et l’obéissance.
En ces années là, de fait, le désert était silence : on y venait pour apprendre la tranquillité de l’être tout entier – monos, en grec désigne l’unité de toute “la personne”. La réflexion recurrente qui doublait cette première démarche, c’est un peu partout la question du salut : dis moi, ABBA comment faire pour faire mon salut ?
Il nous a semblé très important, en lisant “les sentences des Pères du désert” de laisser retentir leurs lointaines interrogations, sans essayer de les commenter. Le silence a produit les paroles les plus étonnantes qu’un lecteur de l’Évangile ait jamais entendues.
– Les textes suivants sont donc les sentences telles qu’elles nous ont été transmises.
– Par contre les illustrations ne pouvant guère être une reconstitution de tous les lieux désertiques habités dans les premiers siècles, nous avons choisi, pour évoquer les goûts modernes une esthétique du désert qui évacue sans doute des questions qui ne sont plus nôtres sous la forme évoquée, mais qui livre aux citadins, le vent des journées, et l’incroyable diversité du minéral. À chacun d’y penser à l’Infini.
Les sentences des pères du désert
Les Sentences des Pères du désert – Éditions de Solesmes
PE I 42,10 Un des pères dit une parabole au sujet de l’humilité : Les cèdres dirent aux roseaux : « Comment vous qui êtes chétifs et faibles, ne vous cassez-vous pas pendant la tempête, alors que nous qui sommes si grands, nous sommes brisés et parfois déracinés ? » Les roseaux répondirent : « Nous, lorsque la tempête arrive et que les vents soufflent, ils nous plient de-ci de-là, et voilà pourquoi nous ne cassons pas ; mais vous qui résistez aux vents, vous êtes en péril. » Et l’ancien ajouta : « Devant une insulte, il faut céder, laisser le champ libre à la colère pour ne pas la contredire ni tomber dans des paroles ou des actes déplacés. »
ARM II (34) AB L’ancien dit : « Acquiers le silence, sois sans aucun souci, considère la façon dont tu t’exerces dans la crainte de Dieu ; couché ou debout, tu ne craindras pas les attaques des impies. »
Eth. Coll. 14,66 L’abbé Agueras m’a dit : « Je suis allé un jour chez l’abbé Poemen et lui ai dit : Je suis allé partout pour y demeurer, mais je n’ai pas trouvé le repos. Où veux-tu que je demeure ? » L’ancien lui avait répondu : « Il n’y a plus guère de désert de nos jours ; va, cherche-toi une foule nombreuse, demeure parmi elle et conduis-toi comme quelqu’un qui n’existe pas et dis : Je suis sans souci. Ainsi tu auras le repos souverain. »
N, 314 Les pères ont raconté ceci : « Un ancien avait jeûné soixante-dix semaines de suite, ne mangeant qu’une fois la semaine. Il demanda à Dieu le sens d’un texte des Saintes Écritures, mais Dieu ne le lui révéla pas. L’ancien se dit alors : « puisque j’ai supporté tant de peines sans profit, je vais aller demander cette explication à l’un de mes frères. » Comme il fermait la porte de sa cellule pour s’en aller, un ange du Seigneur lui fut envoyé et lui dit : « les soixante-dix semaines de jeûne ne t’ont pas fait approcher de Dieu ; mais lorsque tu as fait acte d’humilité en partant chez ton frère, on m’a envoyé pour t’expliquer ce texte ». Et après lui avoir indiqué ce qu’il cherchait, il le quitta.
N, 118 Un frère interrogea un ancien : « j’habite avec d’autres frères ; lorsque je les vois faire quelque chose de répréhensible, puis-je le leur faire remarquer ? » – « Avec des frères plus anciens ou du même âge que toi, il vaut mieux te taire : c’est ainsi que tu garderas la paix ; en te faisant petit, tu t’épargneras bien des soucis. » – « Mais, Père, que faut-il faire ? Cela me trouble ». – « Tu ne peux le supporter – À mon avis, il est mieux de se taire ; pour toi, l’humilité, c’est le silence. »
Dioscore, 1 On racontait ceci de l’abbé Dioscore de Nachias : « il mangeait du pain d’orge et de farine de lentilles. Et il se proposait chaque année la pratique d’une observance particulière, par exemple : ne pas se rendre chez autrui de toute l’année, ou bien de ne pas parler, ou bien ne pas prendre d’aliments cuits ou encore de manger ni fruits, ni légumes ; et il agissait ainsi pour toutes les pratiques possibles : à peine une chose achevée, il en commençait une autre, et cela pour un an. »
Poemen, 58 Un frère s’en vint visiter l’abbé Pastor pendant la deuxième semaine de Carême ; il lui découvrit ses pensées et retrouva la paix en écoutant ses réponses. À la fin, le frère ajouta : « j’ai un peu hésité à venir te voir aujourd’hui. » « Mais pourquoi ? » « Je craignais de trouver porte close, car nous sommes en Carême. » « Nous n’avons pas appris à fermer les portes de bois, lui répondit l’ancien, mais plutôt à tenir fermée la porte de nos lèvres. »
Jean Kolobos, 1 On raconte que l’abbé Jean le Nain se retira à Scété auprès d’un ancien originaire de Thèbes, qui demeurait dans le désert. Un jour, son abbé prit un bois mort, le planta et lui dit : ” Chaque jour, verse lui un seau d’eau au pied, jusqu’à ce qu’il donne des fruits ». L’eau se trouvait au loin, si bien que Jean partait le soir et ne revenait qu’au matin. Trois ans plus tard, ce bois se mit à reprendre vie et à donner des fruits. L’ancien en cueillit ; puis il les apporta à l’assemblée, en disant aux frères : « prenez et mangez le fruit de l’obéissance ! »
Annick Rousseau
Merci pour toutes ces méditations qui nous édifient en ce temps de carême ! Quelle sagesse….
Amitiés